Abondance et Contentement
Habituellement j’attribue ce mot d’abondance au fait d’avoir et de posséder de nombreuses choses. Alors je me sens comblé, privilégié. Avantages, argent, connaissances, maîtrises, s’accumulent ou s’empilent et représentent une valeur, une richesse extérieure visible, mesurable. Cette abondance se marie bien avec les verbes avoir, savoir, pouvoir, vouloir, faire, penser. Cette abondance là, selon Franck Lopvet, peut se nommer « Amour, gloire et Beauté », elle est censée m’apporter la profonde satisfaction dont j’ai tant besoin.
Mais curieusement c’est cette même quête qui me fait faire l’expérience du manque et de la frustration. J’observe dans ma vie que le contentement (Samtosha en sanskrit) venant de l’obtention d’une chose, est vite épuisé.
Paradoxalement, quand je fais l’expérience de me relaxer, de méditer et même de jeûner. Quand je prends le temps de faire une chose en conscience, de faire des pauses respiratoires, entre l’Expiration et l’Inspiration lors des pratiques de yoga, eh bien, c’est à ce moment là que j’ai un sentiment d’abondance, de plénitude et de contentement. C’est un peu fort ! Le vide me fait sentir le plein !
En fait ce n’est pas paradoxal, c’est juste que le premier domaine me maintient à l’extérieur de moi même, il m’épuise. Ma respiration s’agite pour alimenter mon corps en énergie, pour répondre au flot ininterrompu de mes pensées, lesquelles activent mes muscles pour bouger, faire, alors mon corps demande plus de nourritures, physiques et intellectuelles, et me voilà aux prises avec l’insuffisance et l’insatisfaction.
C’est ici que le yoga, comme toutes les disciplines de sagesse, me propose de m’arrêter de courir, de prendre le temps et voir l’intérieur des choses. Ne pas courir d’une posture à l’autre, mais plutôt ralentir, me mettre en position de recevoir, d’accueillir et d’observer, ressentir avec le corps, le souffle et mes sens. Oui au lieu de penser et d’imaginer, me concentrer sur la sensation d’entièreté de mon corps. Alors je peux me sentir complet.
Le yoga est dit voie de l’équilibre, ce n’est pas pour faire joli ! Du point de vue de l’équilibre, l’abondance extérieure et intérieure, est une seule et même chose.
Le Contentement, dont parle Patanjali dans le Yoga-sutra, est le chemin vers l’abondance, la liberté, le bonheur. Les mêmes mots, bonheur, abondance, contentement, peuvent ils exprimer des choses différentes ?
Les Yogis ont deux mots pour le contentement :
1°/ Samtosha est le contentement lié à une cause, c’est pourquoi je dois sans cesse renouveler des sources de contentement pour être heureux. Le contentement conduit à la gratitude, cet élan du cœur qui dit merci. Patanjali nous exhorte à cultiver ce contentement jusqu’à rencontrer Ananda.
2°/ Ananda est la joie ineffable, joie profonde, félicité qui n’a besoin d’aucune cause, elle est notre nature profonde, notre matière première, pour celle-ci point n’est besoin de gratitude, elle est contemplation de l’abondance de la vie.
Il me semble que je vois cela ressurgir spontanément chez les enfants ?
Afin d’inviter la pensée à s’immobiliser un instant, voici un petit exercice Asana et Pranayama, posture et respiration, avec un petit arrêt à la fin de l’expiration, c’est juste pour une expérience :
Se tenir à quatre pattes, prendre le temps de sentir les appuis, sentir le corps, sentir le souffle, c’est important de sentir avant et pendant l’exercice. Puis expirer en reculant les fesses vers les talons, s’arrêter là, se détendre complètement, sans respirer durant deux secondes ou quatre, mais pas trop sinon le mouvement d’inspiration suivant sera agité. La respiration doit être douce, très légère, comme dans un demi sommeil. Inspirer doucement en revenant à quatre pattes. Et recommencer plusieurs fois. Pour qu’un sentiment d’abondance puisse apparaître, ne surtout pas le chercher, car il s’enfuirait, juste sentir ce qui est là, ce qui est.
Bonne pratique.